FESPACO 2021 : Aïssa Maïga met le 7ème art au service de la lutte contre le changement climatique


La 27ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) bat son plein dans la capitale burkinabè. Des cinéphiles du Burkina Faso et des quatre coins du monde ont pris d’assaut les différentes salles obscures pour suivre la projection des différents films en compétition à cette 27ème édition du FESPACO. Ce mardi 19 octobre 2021, le film documentaire de la réalisatrice Franco-Sénégalaise Aïssa Maïga intitulé « Marcher sur l’eau » a été projeté au Ciné Neerwaya en séance de 16h. Aïssa Maïga met, à travers cette œuvre, le 7ème art au service de la lutte contre le changement climatique. Elle fait voyager avec habileté et tact les cinéphiles dans le dur quotidien des habitants du village de Tatis au Niger, frappés de plein fouet par les conséquences du changement climatique. Dans cette partie du Niger, les populations ne rêvent pas duplex, Ranger Over ou caviar, elles veulent juste un peu d’eau pour survivre, elles veulent juste de l’eau potable pour vivre un bonheur absolu.

« Marcher sur l’Eau » de Aïssa Maïga amène les cinéphiles au Niger, un pays sahélien situé en Afrique de l’Ouest. Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde. Comme les différents rapports sur le climat le disent, le Niger sera donc l’un des pays qui seront les plus touchés par les conséquences du changement climatique.


Aîssa Maîga ne conduit pas les cinéphiles dans la ville de Niamey où les impacts du changement climatique même s’ils sont présents, sont tournés en dérision par les citadins viveurs et jouisseurs. La réalisatrice ne fait pas cas de la situation de ces populations citadines, au grand soin des autorités nigériennes, les chouchous de la Nation qui se plaignent de la non compétitivité des monuments et autres tours de la capitale nigérienne comparativement à la Tour Eiffel parisien ou à la Statut de la Liberté américain.


« Marcher sur l’Eau » est un documentaire qui fait atterrir les cinéphiles à Tatis. Ce village situé à plusieurs dizaines de centaines de kilomètres de Niamey. Tatis c’est ce village très pauvre dans un pays pauvre. A Tatis, le changement climatique n’est pas une vue d’esprit. C’est une réalité, une réalité que vit les populations au quotidien. Chaque jour, elles se battent contre les aléas du climat afin de pouvoir se maintenir en vie. A Tatis, les populations ne rêvent pas champagne, caviar et autre camembert, elles veulent juste de l’eau.


Aissa Maiga filme le quotidien des populations de Tatis qui ont une parfaite connaissance et une compréhension hors du commun de cet adage qui dit que « L’eau c’est la vie ». Le problème de l’eau omniprésent dans le quotidien des populations de nuit comme de jour et cela pendant toute l’année, même pendant ce semblant de période hivernale qui ne dure que deux mois. Face à l’acuité du problème d’eau, certains parents se voient contraints à aller à l’aventure des pays voisins comme le Nigéria ou le Togo à la recherche d’un mieux-être. Ce voyage vers l’inconnu est d’une durée indéterminée et sans aucune garantie de retour auprès des siens.


La situation de manque d’eau pour la population de Tatis n’est pas le fait de la nature. Les anciens du village se rappellent cette belle époque où le problème d’eau ne se posait pas avec autant d’acuité et où les bergers avaient de beaux pâturages bien drus pour leurs troupeaux. Depuis la situation a bien changé. Alors, ils se demandent les raisons de cet acharnement de la nature sur leur localité. L’instituteur du village, seul représentant de l’Etat dans cette partie du Niger, a dans sa bouche un début de réponse aux interrogations des vieux. Il indique que la situation que vit les populations est juste la conséquence des activités intenses de production des grandes firmes des pays riches. Les activités sans vergogne de ces grandes puissances polluent à outrance l’atmosphère et créent un dérèglement climatique qui malheureusement impacte davantage sur les plus pauvres de la planète. Et au même moment, le principe du pollueur-payeur est foulé au pieds par ces grandes puissances. L’instituteur estime que la gravité de la situation doit nécessiter l’engagement des autorités qui doivent agir pour aider les populations, même avec les moyens de bord, afin de favoriser leur résilience face aux effets du changement climatique. La nappe phréatique de Tatis regorge en effet de suffisamment d’eau pour soulager les peines des populations. Les populations marchent donc sur l’eau sans le savoir ; elles marchent sur l’eau alors qu’elles ont sauf. L’eau est située à près de 200 mètres sous terre. La réalisation d’un forage dans le village pourrait permettre de faire remonter l’eau et faire le bonheur des populations et de leurs animaux. Cette responsabilité appartient à qui ? Va-t-elle être assumée ?


« Marcher sur l’eau » est un cri de cœur, une invite à prendre en charge les conséquences du changement climatique par tous, à s’engager pour bâtir une résilience collective contre ce dérèglement climatique qui attriste le quotidien de pauvres populations. Ce documentaire tourné pendant une année du champagne des villes a été maitrisé par la réalisatrice de bout en bout. Elle a su construire un scénario parfait qui ne laisse pas le cinéphile sans émotion. Aïssa Maïga a su toucher le cœur des cinéphiles à travers des images expressives qui incitent à l’action. Chaque séquence des 90 minutes de ce film documentaire en compétition au FESPACO a un sens profond.


Ahmed Traoré
Sentinelle BF