Coton 2019-2020: « La Sofitex est fin prête », Sibiri Sou

Après deux campagnes cotonnières assez difficiles pour le Burkina Faso, les acteurs de la filière et les autorités du pays se mobilisent pour permettre au pays des hommes intègres de reprendre la place de premier producteur africain de coton à l’issue de la campagne 2019-2020. Dans cette interview qu’il nous a accordée, le Directeur technique de la Sofitex, Sibiri Sou indique que la Sofitex est prête pour cette nouvelle campagne et prévoit atteindre une production de 600.000 tonnes de coton dans sa zone de production. Des dispositions ont été prises pour que cet objectif de prévision puisse être atteint. Il revient sur ses dispositions et invite en conséquence les producteurs qui veulent faire dans le boycott à venir à la table de négociation afin qu’une solution puisse être trouvé.

L’intégralité de cette interview, c’est ici???

Sentinelle BF: A l’orée de cette nouvelle campagne agricole, est-ce que la SOFITEX est prête pour relever les défis de la production cotonnière au Burkina Faso ?

Sibiri Sou : Oui, il faut dire que la Sofitex est fin prête pour aborder la campagne 2019-2020 en ce sens que plusieurs activités sont menées dans l’optique de la mobilisation des producteurs, la mise à leur disposition d’intrants de bonne qualité, de l’appui-conseil approprié, etc. Donc, la Sofitex est vraiment prête pour le bon déroulement de la campagne cotonnière 2019-2020.

Sentinelle BF : Les deux dernières saisons cotonnières ont été particulièrement difficiles pour le Burkina Faso qui a perdu sa place de premier producteur africain de coton, quelles sont les principales raisons qui expliquent, selon vous, cette mauvaise posture du Burkina Faso ?

Sibiri Sou : Alors, d’abord, nous sommes un pays sahélien qui subit de plein fouet les effets néfastes du changement climatique. Lors de la campagne 2017-2018, nous avons eu à faire face à beaucoup de poches de sécheresse et une fin brutale de la campagne. Avec ces poches de sécheresse les recommandations techniques n’ont pas pu être bien appliquées par les producteurs, notamment la fertilisation des cotonniers, de même avec l’arrêt brutal des pluies, les cotonniers n’ont pas pu boucler leur cycle de développement. Nous n’avons donc pas pu, au cours de cette campagne, atteindre les prévisions de production. Cela a nécessité l’appui du gouvernement pour aider les producteurs à gérer les impayés survenus au cours de cette campagne. Pour la campagne 2018-2019, nous avons espéré retrouver notre place de premier producteur de coton parce qu’en 2017-2018, nous l’avons perdu au bénéfice du Mali. Mais malheureusement, dame nature ne nous a pas fait cadeau en ce sens que dans les zones cotonnières, les pluies ont démarré tardivement. Quand les pluies ont pu s’installer, les producteurs ont fait les emblavures nécessaires pour avoir les quantités de coton qui étaient prévues. Malheureusement encore pour cette campagne, nous avons connu quelques difficultés de sécheresses, mais la plus grosse partie des difficultés relève de l’excédent pluviométrique. Et comme vous le savez, le cotonnier comme tout autre plante cultivée, a besoin d’eau optimale : s’il y a moins d’eau, il y a un problème et quand il y a trop d’eau également, il y a des soucis. C’est en cela que dans certaines zones de production cotonnière de la Sofitex, nous avons eu des décades voire 15 jours sans arrêt de pluie. Quand cela coïncide avec les périodes où les producteurs doivent appliquer les fertilisants, il y un problème car tout fertilisant appliqué subi un lessivage par les eaux de pluie. Il y a également des difficultés de traitement des pesticides parce que très souvent après le traitement, il y a le lessivage par les pluies qui viennent. Ou bien, même quand les pluies sont récurrentes, les producteurs décalent les traitements et finalement ne respectent pas les intervalles prévus pour gérer la pression parasitaire. De même, il faut ajouter que les cotonniers ont besoin d’éclaircis (ensoleillement) pour un bon développement, ce qui n’a pas été le cas dans certaines localités avec des pluies matinales qui se prolongeaient jusqu’au soir. L’un dans l’autre, ça fait que les cotonniers qui avaient une bonne physionomie à un certain moment, nous avons constaté des chutes d’organes reproducteurs sur ces cotonniers qui étaient bien chargés en fleurs et capsules. Toute chose qui a entrainé une baisse drastique de la production et des rendements dans les zones Sofitex et du Burkina Faso en général au cours de la campagne 2018-2019.

Sentinelle BF : Lorsqu’il y a pas d’eau ce n’est pas bon, lorsqu’il y a trop d’eau ce n’est également pas bon, comment est-ce que la Sofitex entend s’y prendre pour trouver l’équilibre ?

Sibiri Sou : La stratégie actuellement que nous avons mise en place, c’est l’irrigation complémentaire en cas de stress hydrique. Actuellement, nous sommes en train de tester un projet pilote avec l’appui de la Banque mondiale et de la Société financière internationale pour mettre à la disposition des producteurs, ce que nous avons appelé les bassins de collecte des eaux de ruissellement. Nous confectionnons des bassins stabilisés pour recueillir les eaux de pluies au niveau des parcelles de producteurs de coton. En cas de poche de sécheresse, les producteurs, à travers un système d’irrigation et des systèmes de motopompes, puisent l’eau de ces bassins et arrosent les champs soit de coton soit de maïs parce que le coton est cultivé en rotation avec les céréales également. Donc cela permet de juguler les problèmes de déficit pluviométrique. Souvent, il suffit de deux ou trois pluies pour boucler la campagne, malheureusement, on a beaucoup d’eau qui coule pendant la campagne agricole. Mais, quand vous avez une poche de sécheresse de deux semaines, les producteurs prennent de plein fouet ce contre coup. Nous avons donc imaginé ce scénario d’appui aux producteurs avec la Banque mondiale et la Société financière internationale. Egalement, dans ce programme, il est prévu l’aménagement des parcelles des producteurs avec les cordons pierreux. Cela permettra de régler la question des écoulements des eaux. Lorsque vous avez trop d’eau, souvent, il y a une érosion dans les parcelles qui emporte toute la terre utile à la culture, ainsi que les fertilisants appliqués. Donc nous confectionnons les cordons pierreux suivant des courbes de niveau pour aménager les parcelles ce qui permet de retenir le peu d’eau qui tombe et éviter également les ruissellements.

En outre, nous incitons et formons les producteurs de coton à la fabrication et à l’utilisation de la fumure organique qui est un substrat qui permet de capter et retenir l’eau du sol, outre son rôle d’amélioration de la fertilité des sols.

Sentinelle BF : Les burkinabè peuvent-ils croire que les leçons ont été tirées des deux dernières campagnes et s’attendre en conséquence à une percée dans la production cotonnière du Burkina Faso à l’issue de cette campagne ?

Sibiri Sou : Nous pouvons rassurer les burkinabè que la Sofitex, tout comme les producteurs ont tiré leçons des deux dernières campagnes parce que les difficultés ont été durement vécues par aussi bien la Sofitex que par les producteurs. Les objectifs de production n’ont pas été atteints. Les producteurs n’ont pas atteint leurs objectifs en ce sens qu’ils ont perdu des rendements. Et qui dit perte de rendements dit perte de revenus. La survenue également des impayés dans certains coopératives et au niveau des producteurs a été encore plus difficile. En somme, lorsqu’ils n’atteignent pas la prévision de production, cela va s’en dire qu’ils n’arriveront pas à payer les crédits qu’ils ont contractés auprès des sociétés cotonnières à travers  le système de financement des Banques. Du coup, il y a des impayés qui sont créés au niveau des producteurs, également des manques à gagner au niveau de la Sofitex puisque la Sofitex prend des crédits auprès des institutions financières pour acquérir les intrants agricoles et les mettre à la disposition des producteurs. Donc ça fait un cercle vicieux si ces crédits ne sont pas remboursés. Nous pouvons rassurer qu’avec l’expérience que nous avons vécue durant ces deux dernières campagnes, toutes les dispositions sont prises aussi bien par les sociétés cotonnières que par l’État pour accompagner les producteurs à mieux réussir la prochaine campagne.  

Sentinelle BF : Quelles sont les dispositions majeures qui sont prises par votre structure pour que cette campagne soit une réussite ; des dispositions en plus bien évidemment de l’augmentation de 15 franc sur le prix du kilogramme de coton ?

Sibiri Sou : Il faut dire que ces mesures ont été prises par l’Association interprofession du coton du Burkina(AICB) dont fait partie la Sofitex. L’AICB est la famille des Sociétés cotonnières, les trois sociétés cotonnières, plus l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina Faso (UNPCB) avec l’accompagnement de l’État. C’est cette association qui fixe les prix, aussi bien les prix d’achat du kilogramme de coton, que les prix de cession des intrants. Pour ce qui concerne le prix d’achat du coton pour la campagne 2019-2020, il y a eu l’application du mécanisme de fixation des prix et l’appui de l’Etat, ce qui a permis d’octroyer comme vous l’avez dit 15 F en plus par rapport au prix d’achat de la campagne écoulée. L’application du mécanisme de fixation des prix et la subvention de l’Etat de 5 F sur chaque kilo de coton, font que pour la campagne 2019-2020, le prix du kilo du coton bord champ va connaître un bond significatif de 15 F. Il va passer à 265 F pour le kilogramme de coton du premier choix et à 240 F pour le kilogramme de coton de deuxième choix. Pour les autres dispositions, il s’agit du prix de cession des intrants. Vous savez, lors de l’atelier national sur la relance durable de la production cotonnière du Burkina Faso organisé par l’AICB à Ouagadougou les 11, 12 et 13 mars 2019, les producteurs avaient souhaité une baisse du prix de cession des engrais par rapport à la campagne 2018/2019. En réponse à cet appel des producteurs de coton, l’AICB a consulté le Gouvernement et obtenu une subvention considérable de l’ordre de 13,621 milliards FCFA pour les engrais et les insecticides. Cet accompagnement de l’Etat a permis de réduire les prix de cession des engrais aux producteurs de 7% par rapport à ceux de la campagne écoulée. Là également, l’État a fait une contribution significative de treize milliards six cent-vingt-un millions de franc CFA pour baisser les prix des engrais et maintenir le prix des autres intrants (semences et insecticides) au même niveau que la campagne écoulée. Que ce soit l’engrais coton, ce que nous appelons  la formule NPK-S-B ou l’Urée, le prix connaît une baisse de mille franc le sac. L’engrais passe donc de quinze mille à quatorze mille francs le sac de 50 Kg, pour le prix à crédit. Pour ce qui concerne les insecticides, la même subvention permet de maintenir le prix des insecticides, notamment les insecticides classiques aux mêmes prix que la campagne écoulée à savoir trois mille huit cents franc cfa. Il y a d’autres dispositions que nous avons prises sur les insecticides pour répondre aux préoccupations des producteurs, parce qu’il y a plusieurs types d’insecticides. Il y a les insecticides classiques et les insecticides de spécialité. Ces insecticides de spécialité, qui ont un large spectre d’action sur les déprédateurs du cotonnier, sont à un autre niveau de prix supérieur à celui des insecticides classiques, mais ont été aussi subventionnés par la filière coton pour les rendre accessibles aux producteurs de coton.

Sentinelle BF : Il y a-t-il d’autres dispositions particulières qui ont été prises ?

Sibiri Sou : Oui, en termes de disposition encore, il s’agit de la gestion des impayés survenus suite aux difficultés pluviométriques que nous avons connues ces deux dernières campagnes. Là encore, l’État a promis apporter un soutien aux producteurs de coton qui ont été durement éprouvé. Cela va aider les producteurs à résorber un peu les impayés. Ces impayés sont chiffrés à plusieurs milliards. Nous sommes en train de faire des évaluations actuellement au niveau des coopératives et cela nous permettra d’avoir une situation exacte de la valeur de ces impayés, qui sera ensuite transmise au Gouvernement pour prise de décisions. L’État a indiqué qu’en concertation avec les partenaires techniques et financiers, il va essayer de trouver des mécanismes qui puissent permettre de soulager les producteurs pour la gestion de ces impayés. Mais en attendant, les trois sociétés cotonnières ont apporté un appui de dix franc qui sera octroyé aux producteurs de coton de la campagne écoulée pour aider à l’apurement des impayés internes. Celui qui a vendu 1 kilogramme  de coton en campagne 2018-2019 va percevoir 10 franc CFA sur ce kilogramme de coton. Il y aura les autres dispositions d’accompagnement comme les formations des producteurs, l’appui et le suivi des producteurs dans les parcelles jusqu’à la récolte. Nous allons aussi expérimenté dans la zone Sofitex le système de crédit individuel aux producteurs, pour résoudre un peu l’épineuse question liée à la caution solidaire appliquée actuellement dans les coopératives. Toutes ces dispositions seront mises en œuvre pour accompagner les producteurs. Toujours dans l’accompagnement des producteurs, la Sofitex qui est consciente du faible maillage de son dispositif d’appui-conseil, a procédé à un recrutement massif d’agents de terrain. Nous avons recruté aussi bien en externe qu’en interne, soit des correspondants coton qui sont des agents de niveau ingénieur de développement rural, soit des techniciens agricoles (ceux que nous appelons des agents techniques coton) qui sont des agents techniques issus des écoles de formation professionnelle agricole comme le CAP Matourkou pour appuyer les producteurs sur le terrain. Ce sont là quelques dispositions prises pour le bon déroulement de la campagne.

Sentinelle BF : Il y a des voix s’élèvent pour appeler au boycott de la campagne cotonnière pour des raisons diverses, quelle appréciation faites-vous de cette réalité et comment est-ce que vous gérez cette situation ?

Sibiri Sou : Il y a eu plusieurs rencontres dans ces zones où le boycott a été suivi au cours de la dernière campagne. Je pense particulièrement à la zone de Kénédougou, notamment la zone du Kénédougou nord, et aussi dans certaines localités des régions cotonnières de Bobo-Dioulasso, de Dédougou et dans une moindre mesure de Houndé. Des dispositions ont été prises dans ces localités pour échanger avec les producteurs parce qu’au niveau de la filière aujourd’hui, la force, c’est concertation. Souvent par manque de concertation, beaucoup d’activités ont été boycottées, notamment par des producteurs de coton dans certaines localités qui réclamaient que le prix du kilogramme du coton soit fixé à cinq cent (500) francs CFA. Ce qui est d’ailleurs impossible au regard du contexte lié à l’appliaction du mécanisme de fixation des prix et même de la réalité des ventes du coton fibre sur marché international. Nous avons un mécanisme qui fixe le prix ; et ce même mécanisme est apprécié dans plusieurs pays de la sous-région qui ont même copié certains aspects du mécanisme et qui l’appliquent. Donc la Sofitex, de concert avec les autorités burkinabè, a rencontré les producteurs dans ces localités. Nous continuons toujours d’échanger avec ces producteurs pour leur expliquer comment se passe la fixation des prix. Il y’avait également des récriminations de certains producteurs sur la qualité des intrants. Nous avons, avec tous les documents à l’appui, montré comment les intrants sont commandés à la Sofitex depuis les tests, les essais par l’INERA (Institut national de recherche agricoles), qui est aujourd’hui l’œil scientifique de la Sofitex et de toute la filière coton. Tous les intrants que nous commandons se font sous la supervision éclairée et sous les recommandations de l’INERA. Aucun intrant aujourd’hui, qu’il soit engrais, pesticide, herbicide ou même les appareils de traitement, ne peuvent être commandés tant que nous n’avons pas l’aval technique de l’INERA. Nous avons rassuré les producteurs que lorsque les commandes sont faites, nous effectuons des contre-expertises pour s’assurer que les intrants livrés répondent aux critères de qualité que nous avons demandés. Nous faisons des prélèvements pour les faire analyser dans différents laboratoires agréés.  Aujourd’hui c’est le ministère en charge de l’Agriculture, à travers la Direction générale des productions végétales qui s’occupe de tout ce qui est échantillonnage, prélèvement d’échantillons et envoie dans les différents laboratoires spécialisés. Donc, nous avons entamé ce processus d’échanges avec les producteurs de coton pour leur expliquer un peu comment les choses se passent. Au mois de février-mars, nous avons sillonné l’ensemble des zones cotonnières de la Sofitex où nous avons tenu des ateliers régionaux avec les producteurs de coton. Ces ateliers régionaux avaient pour objectif de recueillir leurs préoccupations par rapport justement au déroulement de ces deux dernières campagnes et recueillir surtout leurs propositions et solutions. Et il y a un plan d’actions qui est mis en œuvre au niveau de la Sofitex et qui sera appliqué pour prendre en compte ces préoccupations.

Sentinelle BF : Quel appel avez-vous à lancer à ceux qui appellent au boycott de la campagne ?

Sibiri Sou : Nous pensons que même s’il y a des difficultés dans une activité, le boycott n’est pas la solution. Il y a des mécanismes de médiation et de discussion pour trouver des solutions. C’est en cela que nous déplorons ces différents appels au boycott qui viennent même souvent de non producteurs de coton. Nous avons fait le constat que souvent, certains ne sont même pas des producteurs de coton et qui appellent les producteurs à ne pas produire. Pour cela nous disons aux producteurs de coton de venir à la table de négociation parce que le boycott signifie que la chaîne de discussion est rompue. C’est pourquoi nous invitons les producteurs de coton à revenir à la raison parce que les prix qui sont proposés pour la campagne 2019-2020 sont des prix qui n’ont jamais été pratiqués au Burkina Faso. Du reste, certains pays de la sous-région sont toujours à 250 F le Kg. Le gouvernement fait des efforts dans ce contexte de crise pour soutenir les producteurs de coton. Nous devons donc rendre la monnaie au gouvernement en produisant le maximum de coton parce que, d’abord ce coton, les producteurs le produisent pour eux-mêmes et pour leur famille ; et également, l’économie nationale tire les retombées. C’est en cela que nous invitons les producteurs à la table de négociation et de discussion pour qu’ensemble nous nous donnions la main pour retrouver notre première place de producteur de coton en Afrique.

Sentinelle BF : Des producteurs se plaignent du coût d’achat du kilogramme de coton bord champs, et demandent de porter ce prix à 500 franc cfa. Est-ce une demande hors de portée de la Sofitex ?

Sibiri Sou : Oui. Dans le contexte actuel, c’est une demande hors de portée aussi bien pour la Sofitex que pour les sociétés cotonnières de la sous-région. Vous savez, le coton graine est produit au Burkina Faso, mais il est vendu à l’extérieur en ce qui concerne la fibre. Il y a moins de 5 pour cent de notre coton qui sont transformé sur place. Il faut savoir que pour produire 1 Kg de coton fibre, il faut 2,5 Kg de coton graine. Et pour produire ce kilogramme de coton fibre, il y a tout un ensemble de processus. Il y a d’abord l’évacuation de ce coton graine depuis les champs des producteurs, depuis les aires de marchés jusqu’aux usines. Arrivé à l’usine, il y a tout le processus de la transformation. A la suite de cela, les balles de coton que nous produisons sont transportés jusqu’au niveau des ports, le Burkina étant un pays de l’hinterland. Une fois au port, lorsque vous n’avez pas d’embarquement immédiat, vous êtes obligés de stocker dans certains magasins des ports. Ce sont des frais que vous payez chaque jour. Il y a aussi les frais de gardiennage, les assurances etc. Ce sont autant de charges que les sociétés cotonnières supportent. Une fois que le coton doit être transporté vers les acheteurs, c’est par bateau et c’est payant. L’un dans l’autre, si vous calculez toutes ces charges, ça fait que le kilogramme de coton fibre ne peut pas avoir la même valeur que le coton graine payé bord champ. Également sur le marché mondial, il y a des contraintes de prix. Le Burkina Faso comme les autres pays africains producteurs de coton, subi les prix appliqués sur le marché mondial. Ce sont les grands pays producteurs de coton qui dictent la loi sur le marché international. Donc l’un dans l’autre, les 500 F demandés ne peut pas être une réalité. Même dans certains pays qui appliquent un prix légèrement supérieur au Burkina Faso, il y a des subventions énormes des gouvernements pour améliorer ces prix. Donc pour le moment, le prix du kilo à 500 F c’est de l’utopie. Nous fixons des prix réalistes à travers un mécanisme qui est connu de tous.

Sentinelle BF : Quelles sont vos prévisions de production au titre de la campagne 2019-2020 ?

Sibiri Sou : Pour la campagne 2019-2020, la Sofitex a un plan de campagne de 600 000 tonnes sur une superficie 600 000 hectares, soit un rendement à l’hectare de 1000 kilogramme. Donc une production prévisionnelle attendue de 600 000 tonnes de coton graine pour la zone Sofitex. Pour le Burkina Faso, l’AICB a fixé une prévision de 800 000 tonnes de coton graine. L’année dernière, nous étions également à une prévision de 800 000 tonnes, mais au regard des difficultés vécues par les trois sociétés dans leurs  zones de production, nous n’avons pas pu atteindre cette prévision. Nous avons été vraiment en deçà… autour de 436 000 tonnes. Vous voyez que nous sommes très loin du compte. Mais comme nous savons que nous avons le potentiel et la volonté affichée des producteurs de coton, nous avons reconduit ces mêmes objectifs de la campagne 2018-2019.

Sentinelle BF : Très bientôt des industries de transformation de coton sortiront de terre au Burkina Faso, en quoi cela est une bonne nouvelle pour les sociétés cotonnières burkinabè et les producteurs de coton ?

Sibiri Sou : Je dirai que c’est une bonne nouvelle parce que le mal du coton aujourd’hui au Burkina Faso, particulièrement dans la sous-région, c’est la question de la transformation. C’est une question épineuse pour nous. Donc quand nous avons appris ça, nous avons vraiment poussé un ouf de soulagement. Cela va venir en aide non seulement aux sociétés cotonnières, mais aussi aux producteurs de coton dans la vente et la valorisation de notre fibre. Pour nous, si ces unités voient le jour cela sera une bonne chose parce qu’il y aura la valorisation de la fibre, certainement de meilleurs prix pour les producteurs et l’employabilité des jeunes. C’est pourquoi nous avons apprécié l’arrivée de ces industries dans notre pays.

Sentinelle BF : Une autre bonne nouvelle pour le secteur agricole burkinabè, c’est l’arrivée de la nouvelle Banque agricole du Faso (BADF). En quoi cette Banque pourra impacter sur le développement de la filière coton du Burkina Faso ?

Sibiri Sou : Il faut dire que c’est une deuxième bonne nouvelle que nous avons appréciée. Quand la naissance de cette banque a été annoncée, c’est comme un nouveau-né qui vient dans la famille. Tous les membres de la famille sont vraiment contents. Pour ce qui concerne la filière coton, nous avons l’espoir que cette banque va apporter un plus aux producteurs. Aujourd’hui, le crédit est financé par les instituons financières à caractère commercial pour la plupart. Pour l’instant, les producteurs n’arrivent pas à tirer le maximum de profit de ces Banques commerciales, malgré les multiples efforts faits par celles-ci. Donc pour une banque agricole qui va démarrer ses activités, il y a des préoccupations objectives et légitimes des producteurs qui pourront être prises en compte, notamment, les taux des crédits.  Aujourd’hui les taux de crédits sont encore chers. Pour le moment il est à 6 % après plusieurs négociations. Nous devons être capables de négocier des taux de crédits comme dans certains pays de 3 à 4 % pour les producteurs. Il y a également le financement d’autres activités comme les crédits moyens terme ou long terme pour l’achat des tracteurs ou de matériels agricoles spécialisés. Avec le changement climatique, nous sommes obligés d’aller vers la mécanisation si nous voulons être compétitifs. Et une telle Banque pourrait faciliter cette transition.

Sentinelle BF : Dernière question, Mr Sou, quel est, en résumé, votre message à l’endroit de l’ensemble des producteurs de coton burkinabè à l’orée de cette campagne 2019-2020.

Sibiri Sou : Un message à l’union, à la cohésion autour de nos valeurs et autour de la production cotonnière.  Aujourd’hui, nous sommes dans un environnement évolutif et nous avons des pays producteurs de coton aussi qui nous entourent. La fierté du burkinabè veut qu’on se donne la main, qu’on fasse l’effort afin de surmonter les difficultés pour pouvoir produire le plus de coton possible. Avec les appuis innombrables du gouvernement, nous devons d’être reconnaissants au gouvernement en produisant le maximum de coton. C’est donc une invite et un appel aux producteurs de coton à l’union sacrée et à laisser les dissensions internes et s’unir pour produire le maximum de coton pour le bénéfice de nos familles et pour le bénéfice de la nation. Je souhaite vraiment une bonne campagne agricole 2019-2020 à tous les producteurs.

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